Shapin'Breizh Act III: Marc Maugère - Slashboards

Voici bientôt 2 ans, profitant de la commande d’un pré-shape auprès de Marc Maugère de l’atelier de fabrication des planches Slashboards, j’en profitais pour faire le déplacement et découvrir le bonhomme, son espace de production, et tant que j’y étais, pour tourner une vidéo de l’usinage de ma Slalom100 2017.
https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=auDbWYIZOSA&feature=emb_logo

J’y suis depuis retourné un certain nombre de fois, et à chaque fois j’y ai ressenti le même plaisir d’échanger avec un vrai passionné dont on mesure l’expérience.
Marc n’est donc pas simplement pilote d’engin (KMS 4X en l’occurrence), mais shaper d’expérience installé à Merlevenez, près de Lorient. Il y travaille depuis 3 ans « en famille », avec son fils qui gère plus particulièrement la partie « production surf et glass polyester ». 





GPSA : Salut Marc. Commençons par une présentation, ton parcours dans le milieu du surf, du kite, du windsurf en tant que pratiquant. Tu peux jalonner ta réponse de dates significatives sans crainte, j’ai déjà dit plus haut que tu avais une « certaine expérience ».

Marc :  Ayant la chance de vivre près de l’eau, je me suis assez naturellement retrouvé à faire des ronds dans l’eau sur une planche d’un voisin précurseur :  une windsurfer orange, wishbone en teck , pdm sabot et tout le bintz….en 78  je pense .. Très rapidement c’est la spirale infernale, on vire la dérive, on raccourcit la board, on bricole des straps….puis c’est l’explosion du funboard, la torche 86 / 87 si je me souviens bien  etc, etc.. Une pratique qui s’oriente très vite en vague exclusivement. Suivent les trips initiatiques à Maui en 91, 95 et 96. Une pratique addictive toujours à la recherche de la bonne session …..Autour de 2000, c’est la trahison  , je découvre le kite et m’y abandonne corps et âme depuis (vagues strapless )





GPSA : Et tu en es venu à vivre du shape…J’imagine que tu as commencé par bricoler un peu dans ton coin, pour des potes, à te perfectionner, et puis d’une certaine manière, il est apparu comme incontournable de faire un choix…Tu faisais quoi avant d’ailleurs ?

Marc : Je me suis toujours shapé mes boards mais avant d’en vivre, j’ai été ostréiculteur dans une autre vie, ce qui me permettait de gérer mon temps et d’être sur l’eau assez souvent. J’ai acquis après une bonne formation composite chez jaguar puis JPK (ndlr :planches customs shapées par Jean-Pierre Kelbert à l’époque, Jaguar, puis JPK).
 
GPSA : Tu shapes quels types de planches (surf, surf kite, surf foil et/ou kitefoil, SUP, ?...), et dans quelles proportions ? As-tu une idée du nombre de planches que tu sors par an ? (Normalement oui !!  )

Marc: Nous shapons et terminons uniquement des surfs et surfkites, mais en préshape nous usinons les pains de tout ce qui flotte : SUP, windsurfs, surfs, surfkites et plus récemment, des boards de surfoil, supfoil, wingfoil
Dans un premier temps nous avons aussi fabriqué des SUP et kitefoils avec de bons retours, mais c’est très compliqué de faire cohabiter une production de surfs avec des flotteurs de technologie différente (sandwich, vide, carbone, etc..) d’autant que nous assurons aussi un service de réparations et que la machine et le préshape nous occupent déjà bien 
( +/– 700 préshapes / an).
On ne peut pas être sur tous les fronts, c’est plus facile en conception qu’en production, et c’est assez frustrant surtout quand il y a du potentiel.








GPSA : Tu es plutôt conservateur PU/Polyester, ou néo révolutionnaire Polystyrène/Epoxy, as-tu un avis arrêté sur l’éternel débat entre résistance/durabilité et flex !! Tu réalises des préshapes dans les deux types de mousses d’ailleurs, mais pour tes planches, tu privilégies quoi ?

Marc :  pour les surfs le débat est assez vif, certains riders ne jurent que par l’un ou l’autre (ndlr : tiens, ça veut dire que tout le monde n’est pas pour le PU-Polyester !!). On peut dire que l’eps /epoxy est plus rigide, a moins d’inertie et plus de flottabilité que le combo PU / polyester. Je n’ai pas d’avis personnel sur la question et me fie au feeling du surfeur, on s’adapte, même si l’eps est plus délicat à usiner et à shaper, sans parler des contraintes liées à la stratification époxy. Pour mes surfkites perso je privilégie le PU pour épargner mes vieilles articulations et éviter les reprises d’eau en cas de choc.

GPSA : Ta clientèle est locale, régionale, ou encore plus éloignée ? Penses-tu qu’il soit indispensable d’avoir un échange avec un client avant de lui shaper une planche ?(question idiote, mais bon….). Fais-tu du stock ? Sur quel type de planches ?

Marc : On travaille surtout en local (80%) mais on bosse en expédition sur toute la France.
Bien sûr que le contact avec le client est primordial, même pour un préshape. Je dis souvent que c’est assez compliqué de sortir un shape performant, mais c’est tout aussi difficile, voire plus, de sortir un shape vraiment adapté aux demandes du client et à son niveau.
Cela passe forcément par un échange et un décryptage, on discute de la partie « outil » : shape, programme, construction, mais aussi de la partie « objet » : couleur, finition, options, accessoires.
Et bien sûr on refait le monde de la glisse, souvent très longtemps …incontournable !!…(ndlr : ça, c’est pas très rentable ! )
Nous essayons d’avoir en permanence quelques planches en stock, classique en cotes / design et représentatives de ce qu’on fait, ça peut aussi servir de base de discussion sur la forme, la répartition de volume, la couleur…
C’est une vitrine plus parlante qu’un dessin sur écran ou sur une page facebook.

GPSA : Pas mal d’ateliers de surf en Bretagne et en France, des surfs qui viennent de Chine, du Portugal pas mal aussi, c’est compliqué ? Tu es probablement le plus mal placé pour faire la promotion de tes planches, comme tous ces « sauvages » de shapers dont le côté marketing n’est en général pas le point fort (tant mieux !) mais en faisant en effort, c’est quoi la valeur incontournable du custom que tu mettrais en avant face aux produits standardisés ?

Marc : Ah, la concurrence chinoise !! vaste sujet !! le problème s’est un peu déplacé ces derniers temps et on voit débarquer des surfs portugais ou espagnols, le taux horaires de main d’œuvre assez bas et les volumes sortis importants permettent des prix de vente très bas.
Avec un logiciel de dessin et un peu de trésorerie on peut se créer une gamme pléthorique et faire venir au compte-goutte quelques boards par mois en flux tendu.
Quelques majors et même des shapers s’y sont engouffrés, le seul reproche que je leur ferai c’est de rester souvent dans le flou et de jouer sur les mots en axant leur communication sur le côté « marque française » Chacun pourra associer le nom de la marque qu’il souhaite a cette remarque ….(ndlr : on ne dit rien, c’est un monde dans lequel tout le monde aime l’autre, et cela doit perdurer.🥰)
Quant à la valeur ajoutée du custom, la réponse est dans la question !! c’est que c’est REELEMENT un custom, on a en face de soi le ou les gars qui conçoivent, shapent, stratifient et poncent votre futur jouet, il y a une vraie interaction, on ne fait pas que de l’achat / revente, on transpire, on transforme  et on cogite !!
 

GPSA : Tu proposes un service de préshapes réalisés à l’unité à partir de fichiers shape3d sur une KMS 4X. Quand en as-tu fait l’acquisition ? J’imagine que cette machine coûte un peu d’argent et qu’il faut qu’elle tourne pour être rentabilisée…. Sans entrer dans le détail, tu sous-traites pour beaucoup de pros ?

Marc : Nous avons la machine depuis une dizaine d’années, et effectivement il faut que ça tourne un minimum …Le sujet est assez sensible, certains de nos clients ne souhaitent pas trop communiquer sur le fait qu’ils préshapent…Globalement nous travaillons régulièrement  pour un ou deux gros shapers de surf, idem en windsurf ,plus quelques prototypages ponctuels pour d’autres.

GPSA : Cela a été nécessaire cette acquisition de machine d’un point de vue « économique » pour ton activité, ou c’est juste un plus ? Tu vends aussi de la résine et du tissu d’ailleurs ?

Marc : La machine était l’idée de départ de la sous traitance pour pros, ça a démarré doucement et on a vite ouvert le service aux particuliers, qui représentent maintenant une part non  négligeable de notre activité.
Nous en sommes venus naturellement à vendre du tissu, de la résine polyester et époxy et des plugs pour avoir une offre plus complète et permettre aux particuliers d’avoir des kits de fabrication. Un site de vente en ligne a été opérationnel jusque récemment, nous essayons de le rafraîchir et de le réactiver en ce moment !! là aussi compliqué d’être partout.

GPSA : Autre éternel débat…  « les préshapes, ça n’est pas du shape »…certes, à proprement parler….mais l’œil du shaper te semble-t-il nécessaire pour élaborer un shape efficace sur un logiciel ? D’ailleurs, continues-tu à shaper quelques boards à la main ? (Peut-être toutes d’ailleurs, mais quoiqu’il en soit, normalement, tu dois dire oui pour paraître plus authentique si ce n’est pas le cas….)

Marc : ça aussi, c’est une source de débat balèze !! il y a toujours eu une espèce de dédain envers le préshape. Une belle hypocrisie quand je vois sur une publication instagram en noir et blanc un rabot négligemment  posé sur un pain de mousse  manifestement usiné (ndlr : c’est pas vrai !! je suis horrifié  ! En même temps, la matière, le retour aux origines, se satisfaire de l’essentiel, être « VRAI », c’est tendance, et le noir et blanc, c’est poétique. )
1) Le « handshape » est hautement respectable, c’est l’essence même du shape, incontestablement.
2) le préshape est un outil formidable, un gain de temps et un outil de développement inégalables.
100% de nos boards sont preshapées, cependant je pense que les boards que j’ai shapées à la main m’aident pour nos dessin numériques, mais je connais des shapers pas manchots qui n’ont quasiment jamais fait tourner un rabot …mais l’œil est là, il faut de toutes façons que ce soit fluide, à la souris ou au surform (ndlr : ça, j’aime bien !)
Il ne faut pas perdre de vue non plus qu’on peut très bien foirer le plus abouti des préshapes ave un coup de screen malheureux. (ndlr : parfaitement !! )
Je reste persuadé (suis-je neutre ??) que cela reste une avancée, même si le mythe de la planche magique shapée par le gourou en prend un coup !
Je ne suis pas assez bon shaper pour dire à un client qui a pris 3 kg dans l’hiver que je vais lui shaper à la main la même planche que l’année dernière avec 1.5 litres de volume en plus…


C'est vrai que ça fait classe le noir et blanc.....

GPSA : Pourquoi ne proposes-tu pas des planches de windsurf ? J’ai l’impression de connaître un peu la réponse, mais je voudrais te l’entendre dire 

Marc : Plus le temps de plaquer du pvc et « strater » sous vide, mais j’avoue que j’en garde une certaine nostalgie…Si jamais je repassais du côté obscur (ndlr : le côté obscur, c’est l’autre ! ) et que je décidais de refaire quelques bords en windsurf, nul doute que je me ferais une board !

GPSA : Et au niveau des clients amateurs, as-tu une vision sur l’évolution de la demande de préshapes ou de mousse tout simplement sur les quelques dernières années ?

Marc : je ne sais pas si c’est à proprement parler une évolution, mais au début de notre activité les particuliers qui venaient à nous avaient une certaine expérience de la fabrication et je pense qu’on répondait à une offre qu’ils n’avaient plus. Plus récemment c’est une clientèle plus jeune, plus axée surf qui se lance sans complexe dans le « do it yourself » (ndlr : le fameux DIY !)

GPSA : Nous sommes dans une situation de confinement national depuis le 17 mars dernier. Quels ont été les impacts sur ton activité ?

Marc : Nous avons bien sûr été impacté :  presque plus de passage donc de dépôt de répas, fournisseurs fermés, etc…,  mais on s’en sort et le bout du tunnel n’est plus bien loin j’espère... Les pros ont quand même continué à bosser, donc à faire usiner des pains. Les surfeurs pensent déjà à la réouverture des spots et ont commandé leur futures boards, d’autres ont profité de cette période de désœuvrement pour se les fabriquer eux-mêmes (ndlr : tiens…. ).

GPSA : Merci Marc pour le temps passé à répondre, ça a été instructif et « entier ». Au fait, la crète de punk à chien te va à merveille (mais c’était il y a deux ans…).

Marc : je n’ai plus cette coupe, c’est le grand retour des cheveux longs, je prépare le hellfest 2021 ! 


Pour rappel : https://www.facebook.com/slashboardsfr/

446 vues et aucun commentaire !! Les gens sont étranges parfois ! 

En tous les cas, merci Marc Maugère pour sa franchise et son oeil de pro, n'hésitez pas à lui commander des pré-shapes, c'est l'une des bonnes adresses.

merci pour l'interview Antoine ! Je pense passer par lui pour mes 2 futurs préshapes, histoire de changer d'atuacore !

recif2000 a écrit: Je pense passer par lui pour mes 2 futurs préshapes, histoire de changer d'atuacore !

Tu ne seras pas déçu.

antoinedestbrev a écrit: n'hésitez pas à lui commander des pré-shapes, c'est l'une des bonnes adresses.

des gars passionnés,avec toujours un petit conseil qui va bien pour les amateurs comme nous.

Merci Antoine et Marc pour ce bel échange, 

Vous y abordez tous les deux les sujets principaux et les propos sont adaptés à notre époque : Instagram, DIY... ces termes étaient peu communs il y'a 10 ans

Je me demandais, jusqu'à quelle finesse il pouvait aller : 15, 20, 30mm ? Est-ce usinable tout ce qui est fish tail, wings, cut out pour le windsurf ? 



Cyril

Cyril a écrit:Merci Antoine et Marc pour ce bel échange, 

Vous y abordez tous les deux les sujets principaux et les propos sont adaptés à notre époque : Instagram, DIY... ces termes étaient peu communs il y'a 10 ans

Je me demandais, jusqu'à quelle finesse il pouvait aller : 15, 20, 30mm ? Est-ce usinable tout ce qui est fish tail, wings, cut out pour le windsurf ? 



Cyril

Merci !

Tout est possible en terme d'usinage, mais les pièces très peu épaisses risquent de se déformer si elles ne sont pas maintenues en plusieurs points lors de l'usinage. Pour les surfs lattés, le problème ne se pose pas, le scoop est bloqué.

La version gratuite de shape 3d ne permet pas de faire des choses très compliquées concernant les formes ou les différents type "d'évidement" ( les 3d layers).

Je comprends. Et pour ce qui des formes exotiques, on peut exporter un fichier shape3D et le modifier sur un logiciel de CAO ? Si c’est possible, il a la possibilité de faire ce type d’usinage ?